A 11h, nous voici enfin sur la M5 qui nous emmène jusqu'à Szeged. Le temps est radieux et la route agréable. A l'approche de la frontière, les villages semblent plus typiques et les maisons plus belles, bordées de parterres de fleurs colorées et de dizaines de tulipes. Soudain, un énorme volatile passe au-dessus de notre voiture et se pose au bord d'un nid immense, posé sur la cheminée d'une maison. Une cigogne ! A partir de cet instant, ces nids immenses se succèdent tout le long de la route et jusqu'en Roumanie. Le guide que j'ai emporté m'apprend que la Roumanie est un paradis ornithologique et abrite la plus grande concentration au monde d'oiseaux migrateurs qui hibernent dans le delta du Danube.
A l'approche de la frontière, nous sommes ralenties par un convoi ininterrompu de poids-lourds. C'est impressionnant, des dizaines de camions sont stoppés sur la bande d'arrêt d'urgence. Peu avant 14h, nous nous plions de bonne grâce au seul contrôle de papiers de notre périple et passons la frontière roumaine à Nadlag, ajoutant une vignette sur le pare-brise de Boug' (5€ pour 7 jours). Nous suivons toujours la route E68 mais progressons très lentement en raison de la présence de nombreux poids-lourds et d'une seule file de circulation. Nous comprenons très vite pourquoi mon guide déconseille de conduire en Roumanie ; en effet, les Roumains n'en ont absolument rien à cirer des panneaux d'interdiction (de doubler, par exemple) et des limitations de vitesse. Ils doublent dès que possible et ils vaut mieux laisser une bonne distance entre vous et votre prédécesseur pour permettre à celui qui vous doublerait de se rabattre juste sous votre nez, évitant de justesse un tête à tête avec celui qui arrive en face. Les routes sont dans un état déplorable et nous devons régulièrement zigzaguer pour éviter de laisser un pneu dans les nombreux nids de poule. Nous aurons un peu plus tard l'explication de l'état assez incroyable des routes roumaines ; c'est Luminita (se référer au billet suivant) qui nous expliquera que les routes sont endommagées par les importants écarts de température que subit le pays, descendant parfois à -20 en hiver pour remonter jusqu'à 44 degrés en été. La réfection du réseau routier est une des priorités du gouvernement mais cela coûte des sommes colossales et les chantiers, en Roumanie, ne manquent pas.
Parcourir les 400 kms de la frontière à Râmnicu Vâlcea nous prendra près de 8 heures, parmi lesquelles 45 minutes totalement à l'arrêt pour le passage d'un train. Cependant, ce long trajet ne fut pas particulièrement éprouvant, malgré l'état des routes et la conduite très latine des Roumains, en raison de la beauté des paysages que nous traversons. Des montagnes, des prairies très vertes, pas de champs de culture comme on peut en voir en France, une végétation luxuriante, des arbres fruitiers, des pommiers en fleurs. Les maisons sont particulièrement pimpantes et fleuries et des sacs de pommes de terre et d'oignons, à vendre, sont suspendus au bord de la route.
A Sibiu, induite en erreur par un panneau, je tourne à droite et après quelques kilomètres, à la sortie d'un village, nous débouchons sur un chemin de terre. Je demande la direction de Râmnicu Vâlcea à de vieilles femmes hilares qui lèvent les bras avec de grands cris « No Râmnicu Vâlcea ! ». Je ne comprends pas grand-chose mais j'ai compris le principal : je ne suis pas dans la bonne direction. Nous rebroussons donc chemin vers Sibiu où nous avons du mal à retrouver la direction de Râmnicu Vâlcea et c'est un Allemand (décidément, ça me poursuit !) qui nous met sur la bonne direction. La nuit est tombée et je reprends le volant. Après Sibiu, nous attaquons les routes de montagne et le danger augmente car là encore, les Roumains doublent dès qu'ils ont 10 mètres devant eux. Nous appelons Dana qui nous recommande de faire attention. Tout se passe bien jusqu'à 10 kilomètres de l'arrivée où un Roumain, visiblement mécontent que je double, me bombarde d'appels de phare pour me faire dégager et entreprend de forcer le passage au moment où la voie redevient unique, manquant me foutre dans le fossé. Furieuse, je l'insulte copieusement et lui fout mes pleins phares dans la gueule, à mon tour.
A 21h45, nous entrons dans la ville de Râmnicu Vâlcea. A la hauteur de l'hôpital, je reconnais la station-essence qui se trouve au pied de l'immeuble de Dana et m'engage sur le parking. Quelques minutes plus tard, Dana qui s'est faite très élégante pour nous accueillir nous embrasse et nous entraîne jusqu'à son appartement où après avoir trinqué à nos retrouvailles avec un verre de vin blanc roumain (Graca de Cotnari), nous dégustons ce qu'elle a préparé : soupe aux quenelles de semoule, macédoine de légumes au poulet puis maquereau grillé sur lit de légumes croquants. Et en dessert, gâteau à la crème de griottes et des amandines (petits gâteaux au chocolat). Nous avons ensuite discuté jusqu'à 3 heures du matin et ri quand Dana a lu mes derniers billets en prime-time et quasi-instantané, avant de virer la grenouille borgne posée sur le lit confortable de Dana.